Vote par internet : mais où est l’isoloir numérique ?

Christian Quest
3 min readJun 22, 2021

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Après l’abstention record du premier tour des élections régionales et départementales du 20 juin 2021, on assiste au grand retour du vote électronique, cette fois-ci dans une nouvelle mouture “le vote par internet”.

Les machines à voter

Jusqu’à peu, le vote électronique se limitait essentiellement aux machines à voter, qui posaient déjà de nombreux problème de sécurité dans leur fonctionnement et de confiance dans la sincérité du scrutin. Un moratoire a d’ailleurs été décidé à leur sujet.

Nombreux ont été les analyses qui ont montré à quel point elles étaient perfectibles car complexes à réaliser, donc hackables et dont le fonctionnement exact ne pouvait être compris par une infime partie de la population.

A l’opposé une urne, désormais transparente, est d’une très grande simplicité et donc “auditable” par n’importe qui, même un enfant peut la vérifier.

Le décompte des bulletins lors du dépouillement est lui aussi transparent et très codifié dans le Code électoral… même la place des 4 personnes assurant le dépouillement sur une table est prévu.

Si je suis sensible à cela, c’est parce que j’ai été accesseur lors de nombreux scrutins. Tout est parfaitement rôdé et fonctionne très bien. La technologie n’apporterait pas grand chose, à part un fonctionnement obscur, non auditable par tout citoyen… et donc une perte de confiance dans les résultats avec l’effet domino sur la légitimité des élus.

Le vote “par internet”

Le “digital” comme solution à tout problème ?

Après “StopCovid” comme solution au COVID, va-t-on nous sortir la solution à l’absention… “StopAbstention” ?

Le vote par internet, nouvelle mouture encore plus numérique et technologique du vote électronique, rajoute encore de la complexité technique (des applis, du réseau, des serveurs) et par conséquence de l’opacité technologique sur son fonctionnement.

Plus un système est complexe plus il est sujet aux dysfonctionnements.

Cette couche supplémentaire multiplierai inévitablement les risques de failles, de fraudes, de pannes et ajouterai une liste bien plus nombreuses de nouveaux problèmes que ceux qu’elle prétend résoudre.

Un nouveau problème majeur que cela créerait se trouve ailleurs que dans l’urne dématérialisée…

L’isoloir numérique n’existe pas !

Dans un bureau de vote, l’urne trône et attire les regards, mais un autre objet plus discret est d’une extrême importante: c’est l’isoloir.

L’électeur s’y trouve seul devant son enveloppe ou éventuellement sa machine à voter. A cet instant, il n’est plus physiquement manipulable et ne peut pas non plus montrer son vote à un tiers. Cela empêche l’achat de votes, les votes contraints et toutes les dérives de ce genre.

Le passage par l’isoloir est obligatoire et l’on doit être seul sauf rares exceptions.

Comment s’en assurer si l’on vote à distance ?

Je ne vois aucune solution technique à ce problème. On se focalise énormément sur la vérification d’identité, sur le décompte exact des votes, mais il ne faut pas oublier l‘indispensable liberté de vote que permet l’isoloir et son petit rideau.

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Christian Quest

40 ans d'informatique + 33 de base de données + 25 d'internet + 11 de cartographie = #OpenStreetMap + #opendata + #logiciel_libre