Covid19: ce que nous disent les chiffres ? Agir vite et fort !

Christian Quest
6 min readMar 13, 2020

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Depuis l’écriture initiale de cet article, trois jours se sont passés, le virus a doublé le nombre de personnes infectées et l’on est maintenant de l’ordre de 400.000 porteurs (voir calcul dans le corps de cet article), +100000 rien qu’aujourd’hui dimanche (sans prise en compte de l’effet vote non-mesurable à ce jour).
L’essentiel ne se sait pas porteur car n’a été en contact avec une personne à la maladie déclarée.

Si un confinement total était déclaré ce lundi (16 mars), on limiterai potentiellement le nombre de morts de l’ordre de 12000 (3% de mortalité sur les 400.000). Pourquoi 3%, parce que le nombre de lit de réanimation nécessaire pour limiter les morts sera déjà insuffisant. Quatre hôpitaux du Grand-Est ont déjà leur réa saturée et doivent choisir qui laisser mourir ou pas.

Depuis déjà quelques temps, je me suis intéressé aux données concernant l’épidémie de coronavirus, désormais passée au stade de pandémie.

Les chinois ont publié de nombreux articles scientifiques et données qui peuvent nous apprendre beaucoup sur ce qui peut potentiellement nous arriver.

D’autres pays ont aussi largement partagé des données ce qui permet de comparer la dynamique du virus et l’effet des mesures prises par les autorités.

Un phénomène exponentiel

Ma première prise de conscience de la gravité est venue de ce graphique réalisé il y a une semaine et publié sur twitter :

Ce sont les courbes d’évolution des cas confirmés et des décès, mais recalées temporellement.

Premier constat: le phénomène a une progression exponentielle.

Rappel de math… une progression exponentielle c’est lorsqu’à chaque cycle on multiplie par une même valeur

Deuxième constat: la France suit la même courbe que d’autres pays-foyers.

Elle permettait, il y a une semaine de projeter qu’au 12 mars, nous serions à près de 3000 cas confirmés et de 60 décès (nous étions entre la Corée et Chine/Italie). Les chiffres d’hier, 12 mars, étaient de 2871 cas et 61 décès.

Notre gestion hexagonale de l’épidémie n’est donc pas meilleure que les autres, nous voyons juste la vague avec 8 jours de décalage sur l’Italie (ou 1 mois et demi sur le début d’épidémie en Chine).

Sur les chiffres de la dernière semaine, le taux de progression quotidien du cumul des cas confirmés est de 33%, c’est à dire que pour chaque jour qui passe, nous avons environ 33% de cas confirmés en plus. Sur quelques jours ce serait gérable mais c’est comme ça tous les jours depuis plus d’une semaine !

Ces 33% quotidiens, au bout d’une semaine c’est 10 fois plus de cas (285 le 4 mars pour 2876 le 12 mars, soit une semaine plus tard), 100 fois plus de cas en deux semaines… sauf si l’on prend des mesures qui cassent la progression exponentielle des infections !

Malheureusement on ne peut pas multiplier par 10 chaque semaine le dimensionnement de notre système de soin…

Chaque jour de retard dans la mise en place de mesures se paye cher. Actuellement, le nombre de nouveaux décès croit chaque jour de l’ordre de 40%. Tout report des décisions douloureuses, difficiles ou impopulaires se fera à ce prix.

Ces décisions sont indispensables et doivent être radicales, sinon elles ne font qu’accompagner la progression sans la stopper, ce qu’on constate jusqu’à ce jour point presse quotidien après point presse quotidien.

Décalage de perception

On a vu le décalage temporel entre les dynamiques en France comparées à celles de l’Italie (8 jours) ou la Chine (44 jours).

Il y a un autre décalage, celui de la perception de la situation à un moment donné. C’est celui causé par le fait qu’on ne voit qu’une partie de l’iceberg de l’épidémie, c’est à dire les “cas confirmés” qui sont bien inférieurs aux cas réels.

C’est un article qui m’a fait comprendre cela. Après relecture (et traduction) avec des ex-collègues plus matheux et stateux que nous avons confirmé son bien-fondé et ce décalage.

Pour faire simple, on connaît à peu près le taux de mortalité (de l’ordre de 1% avec soins adaptés) et la durée moyenne entre l’infection et la survenance du décès (17.3 jours). Ce sont des données compilées par l’Université John Hopkins qui l’indiquent.

Pour un décès à une date donnée, on peut donc estimer qu’il y avait 100 personnes infectées 17.3 jours avant.

Hier, 12 mars, il y a eu 13 nouveaux décès en France… donc le 27 février il y avait 1300 personnes infectées… or on en comptait beaucoup moins !

Je n’ai pas retrouvé les chiffres à cette date, mais cette barre des 1300 cas confirmés n’a été franchie qu’entre le 7 et 10 mars. Ces 1300 personnes infectées le 27 février en ont contaminé d’autres depuis… surtout qu’elles n’ont pas été détectées et qu’elle ne savent sûrement pas qu’elles sont infectées. Elle l’ont fait au rythme qu’on retrouve sur la progression des cas confirmés (33%). 33% de plus chaque jour sur 17,3 jours… 1.33¹⁷ = 139

Ces 13 décès d’hier correspondraient donc à 1300 x 139 = 180700 cas réels cumulés d’infection aujourd’hui… alors qu’on a 2876 cas confirmés cumulés, soit un facteur de plus de 60 !

Dans quelle mesure ce décalage correspond-il aux “porteurs sains”, sans symptôme, qui ne seront peut être jamais malades ? Ces très nombreux porteurs sains diffusent, sans le savoir, le virus auprès de personnes qui, elles, peuvent très bien tomber malade et déboucher sur les cas graves et mortels.

Notre iceberg a une partie invisible multiplié par 10 chaque semaine, et nous ne voyons que sa partie visible (1/60ème) monter alors c’est l’iceberg entier qu’il faut combattre.

Nos autorités ont-elles bien conscience de cela ?
Je n’ai pas l’impression.
Les annonces présidentielles d’hier ne semblent que viser la partie visible de notre iceberg.

Que faire ? La distanciation sociale…

Il faut stopper la diffusion, de façon radicale et sans délai !

La diffusion est rapide car elle se fait par les voies respiratoires (pour les personnes symptômatiques) mais aussi (voire surtout ?) par contact sur les surfaces et objets (pour toutes les personnes infectées, les porteurs sains compris). Autant dire que dans la vie de tous les jours, nous avons de grandes chances d’être infectés même en observant les “gestes barrière”. Ces gestes sont de plus impossibles à observer en permanence dans un foyer.

Toute promiscuité peut être l’occasion d’une transmission.

Les chinois ont stoppé la diffusion en imposant aux habitants de rester chez eux, c’est à dire de limiter les contacts en toutes petites cellules familiales.

En Chine, rester chez soi n’était ni une “invitation” ni une “recommandation” mais un ordre non négociable pour le bien général. Et ça a marché !

Nos voisins italiens y sont presque.

Le rappel des “gestes barrières” ne suffit pas. La fermeture des écoles non plus.

https://twitter.com/jattali/status/1238043644503998464

Pas de demi-mesures, des actes rapides et forts… une économie de guerre… il faudra en passer par là et plus on le fait vite, moins l’addition sera salée. Elle se multiplie par 10 chaque semaine, ça devrait faire réfléchir car le total est un décompte de vie ou plutôt de morts.

C’est dans les crises qu’on mesure la valeur des hommes. Espérons que nos autorités se hissent enfin à la hauteur des évènements, qu’elles auront enfin un coup d’avance sur l’épidémie.
Elles seront tout d’abord critiquées, très critiquées, puis au final remerciées.

Pour la grippe espagnole, les autorités avaient deux fronts… le militaire (1918, fin de la guerre) et le sanitaire. Elles ont attendu sur le second en priorisant le premier. Total de l’addition ? 400 000 morts en France.

En attendant cet hypothétique réveil, protégez-vous bien, vous et vos proches.

Attention, la partie visible d’un iceberg est de 10% — dans notre cas c’est 1.6% (1/60), l’illustration n’est donc pas à l’échelle

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Christian Quest

40 ans d'informatique + 33 de base de données + 25 d'internet + 11 de cartographie = #OpenStreetMap + #opendata + #logiciel_libre